Après avoir pratiqué la zoothérapie pendant cinq ans en itinérance dans des structures médico-sociales, Marion se prépare à recevoir à domicile, puis dans la ferme thérapeutique et pédagogique d’Humanimaux, près de Lyon. Un lieu où le contact avec les animaux est source de soin, de ressourcement, de découverte et de partage.
Une séance de zoothérapie donnée par Marion
Accompagner autrement les personnes : la zoothérapie
Marion découvre le potentiel du lien avec l’animal pour venir en aide aux personnes il y a une dizaine d’années lors d’une colonie de vacances avec des jeunes en difficulté. Animant des activités auprès de chevaux, elle est impressionnée par les progrès des jeunes à leur contact : « on les sentait beaucoup moins dans la colère, ils se montraient plus patients ».
Aide-soignante de formation, Marion décide de poursuivre autrement sa vocation de prendre soin de l’autre et se forme à l’Institut Français de Zoothérapie de Velanne, en Isère. Pour elle, « faire de la zoothérapie implique d’avoir déjà un métier de base dans le social ou la santé, de connaître les besoins des publics auprès de qui on va intervenir ».
Elle se lance avec sa chienne Lya et s’entoure bientôt de lapins, de cochons d’Inde et de colombes. Travailler avec plusieurs animaux ouvre de belles perspectives dans le soin, chaque animal ayant un contact et un caractère propres. « Et c’est essentiel au respect du bien-être animal, car une séance de zoothérapie est exigeante pour l’animal. Il faut veiller à ne pas le sursolliciter », explique Marion. Cela implique aussi de prendre soin au quotidien de tous ces compagnons, auxquels Marion consacre au minimum deux à quatre heures par jour.
Cet article est initialement paru dans la rubrique Ça démarre du numéro 56 du Magazine Agir à Lyon et ses alentours, en juillet/août 2023. Le Magazine Agir à Lyon et ses alentours est un mensuel papier de 52 pages disponible sur abonnement.
Se (re)construire avec l’animal
En 2018, Humanimaux est créée. Depuis, en petit groupe ou en individuel, Marion intervient sur la métropole de Lyon auprès de personnes âgées, de personnes en situation de handicap ou encore d’enfants en difficulté. Rompre l’isolement, travailler la motricité, les sens comme la vue et le toucher, ou encore apprendre à mieux gérer ses émotions, les objectifs visés sont nombreux et dépendent des besoins de chacun.
« Une famille était impressionnée de voir leur maman qui était mutique depuis son entrée en maison de retraite se mettre à parler avec les animaux », raconte Marion. « Pour certaines personnes âgées, ces animaux rappellent la vie à la campagne et leur évoquent un environnement rassurant. » Caresser un chien ou un lapin, prendre entre ses mains une colombe, créer un parcours d’obstacles pour les cochons d’Inde, ce sont autant d’occasions pour travailler sur des gestes simples du quotidien.
« Une dame n’avait aucune motivation à pratiquer des exercices prescrits par son kiné. Des gestes d’interaction et de soin avec l’animal reproduisent complètement ces mouvements, et cette dame prenait alors plaisir à les effectuer. » En groupe, la présence des animaux apaise les tensions, fait émerger des discussions. Chacun raconte ses petites anecdotes et se met à partager avec les autres.
Monitrice-éducatrice dans un institut médico-éducatif, Julie constate depuis deux ans les effets bénéfiques des séances sur le quotidien des enfants. « Certains ont très peur des animaux : croiser un chien ou un oiseau en sortie peut déclencher une crise. Progressivement, grâce aux séances de zoothérapie, ils prennent confiance », explique-t-elle. « Les échanges autour des animaux leur permettent aussi d’apprendre à exprimer leurs émotions, à prendre soin de l’autre et à adapter leur comportement dans un groupe. »
Ouvrir un lieu et les possibles
Rapidement, Marion veut aller plus loin et ouvrir une véritable ferme thérapeutique et pédagogique. Son but ? Faire sortir les personnes qu’elle accompagne habituellement dans leur structure et pouvoir les accueillir dans un lieu adapté. Mais aussi développer un refuge, sensibiliser au bien-être animal et élargir à des activités pédagogiques grand public pour permettre à toute personne ne côtoyant pas d’animaux de les découvrir et de passer un moment ressourçant.
Les structures travaillant déjà avec Marion se réjouissent aussi à la perspective d’une ferme. « Les enfants découvriront l’environnement de base des animaux, et ce ne sera pas le même cadre ni les mêmes règles, ce qui permettra de travailler de nouvelles choses », explique Julie.
En 2022, Marion s’associe à d’autres entrepreneurs pour répondre à un appel à projet de la SNCF et du bailleur social ICF Habitat pour l’occupation d’un espace temporaire tout près du métro Gare de Vénissieux. Leur projet convainc et, en septembre 2022, l’aventure d’Humanimaux emménage avec de nouveaux voisins partageant les mêmes valeurs : Zoya, une ferme en agriculture verticale, OuiCompost, le groupe Estime, association spécialisée en insertion, Janus France qui accompagne le développement du vélo, ou encore SoliVet, qui ouvrira une pension canine solidaire.
Marion et le border collie Lya en visite en zoothérapie, près de Lyon
Et la ferme prend forme à Vénissieux
L’équipe d’Humanimaux ne dispose que de très peu de moyens pour rénover la future ferme. « On est les rois de la récup’ ! », assure Marion. Surtout, cette dernière mobilise autant qu’elle peut autour d’elle et de nombreuses forces vives répondent présentes pour participer à la construction du lieu.
Parmi elles, Blandine, devenue la « spécialiste du rotofil », s’attèle depuis plusieurs mois au défrichage du terrain pour permettre l’installation des enclos et rendre le lieu accueillant aux futurs visiteurs. L’esprit de partage et de bienveillance porté par Marion a convaincu Blandine, qui prend aussi beaucoup de plaisir dans l’aventure : « J’adore être dehors et m’occuper des espaces verts, ça me vide la tête et me fait beaucoup de bien ». Mais ce qui touche particulièrement Blandine dans ce projet, c’est de « rendre la vie des personnes âgées plus belle et leur apporter de la joie ! ».
Franck et Gaëtan ont, quant à eux, via leur entreprise, offert la construction de tout un cheminement bétonné pour rendre accessibles les enclos aux personnes en fauteuil roulant. Le chantier a aussi pu compter sur l’aide de près de 60 salariés d’Enedis à l’occasion d’une journée solidaire d’entreprise.
13 000 m2 de terrain, une pièce d’accueil, un espace sûr où les animaux passent la nuit, des enclos entièrement construits à base de palettes récupérées, deux aires de pique- nique accessibles aux fauteuils et un potager pédagogique en émergence : peu à peu, la ferme prend forme. Toute aide est encore la bienvenue pour la dernière ligne droite de travaux en vue de l’ouverture de la ferme en cette rentrée 2023.
Lucie Rameau
Crédits Photos : Humanimaux